Guy Viarre : l'irrécupérable et indispensable pêcheur

Publié le 25/03/2024 à 08:28 par poeguy Tags : monde travail sur moi vie

UN JOUR COMME ETANT D'AUTRE

 

Je lui fis part de ma décision de me mettre à la pêche,

de me munir d'un permis pour prévenir toute infraction à la loi.

j'en suis coutumier, à tout le moins intérieurement.

On aurait cru que je me mettais à dos le monde du travail.

J'argumentais les bienfaits et les délices de la paresse, de l'errance, tantôt inquiète tantôt pas, sur les rives de cours d'eau sympathiques ou espiègles.

Elle répondait honneur, fierté, qu'en dira-t-on judas de voisinage , enfin toute l'artillerie de ses culpabilités et de ses paranoïas innombrables.

Je voyais la chose avec ses parements de mystère et de chaleur, de micassure et d'échappatoire, elle décréta le noir de la situation, calqua mon avenir sur mon passé et de s'emporter après la nullité de l'un et l'autre, comme quoi on ne tirerait jamais rien de bon de moi ni de certain, c'est-à-dire qui mériterait qu'on en parle, comme d'un avancement dans la vie.

Elle fit sa Cassandre habituelle.

L'arrogance et l'aplomb avec lesquels elle descend mon projet corps et âme et mon goût revenu enfin pour quelque chose n'avaient rien que de coutumiers.

Je ne pus encore, une fois encore, que la trouver bizarre énorme d'énormités, déplacée en corps, en corpulence, en poids, en posture, enfin mauvaise et inexcusable de l'être tant.

Elle ne se fatigue pas de faire sa hache, moi si, je la quittais, et la laissais faire.

Cela un jour se retournerait contre elle.

Et ferait enfin ma joie:

elle morte, j'irais jeune.

Mais j'irais pêcher même de mon vivant.

 

Guy Viarre

Revue "Moriturus " n° 5