H. de Saint-Denys-Garneau

Publié le 15/12/2023 à 08:54 par poeguy Tags : saint mort jeux sur nuit soi moi place

Longtemps, la poésie canadienne eut des allures provinciales. Poète météorique et maudit, Emile Nelligan, avant de sombrer dans la folie en 1900, à vingt et un ans, l'arracha un temps à sa torpeur avec un chant tourmenté, aux accents nervaliens. Second maudit, Saint-Denis-Garneau appartient une génération ( celle d'Alain Grandbois, Suzanne Routier, Anne Hébert ) qui créa vraiment une poésie canadienne. Mort à trente et un ans, en 1943, Hector de Saint-Denis Garneau, après une adolescence brillante, connut dès 1905 de terribles expériences, dit-il dans son Journal, "de délaissement, d'humiliation, de solitude ". Ecrite de 1935 à 1938, son oeuvre poétique, où l'on reconnaît parfois le lecteur de Rimbaud ou de Cendrars, dit, en termes de plus en plus dépouillés, cette expérience. Si les poèmes de Regards et Jeux dans l'espace tentent encore de sauver la luminosité de l'enfance, ceux de Solitudes, où le corps malade n'est plus qu'un assemblage d'os ("Quand on est réduit à ses os / assis sur ses os / avec la nuit devant soi "), s'inscrivent dans la lumière de la mort.

 

[...]                     ACCOMPAGNEMENT

 

Je marche à côté d'une joie

D'une joie qui n'est pas à moi

D'une joie à moi que je ne puis prendre

 

Je marche à côté de moi en joie

J'entends mon pas en joie qui marche à côté de moi

Mais je ne puis changer de place sur le trottoir

Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là

                                   et dire voilà c'est moi        [...]

 

H. de Saint-Denys- Garneau

( 1912-1943 )

"Poètes d'aujourd'hui/Seghers