Léopold Sédar Senghor

Publié le 08/09/2023 à 13:17 par poeguy Tags : france saint nuit animal moi

Léopold Sédar Senghor, anciennement président de la République du Sénégal, fut avec Aimé Césaire le premier grand poète de la négritude, faisant entendre superbement tout ensemble la voix de son peuple et la sienne. Chantant son aventure, sa guerre, ses amours, il dit sa différence, ses racines mais aussi son appartenance à deux cultures. Natif de Joal et agrégé de lettres, ancré dans sa terre et maître de notre langue, c'est en France, où il fut professeur, député, ministre - et aussi, en 1940 ( Hosties noires le rappelle ), soldat et prisonnier - qu'il écrivit ses premiers recueils conjuguant l'héritage poétique français et la nostalgie des chants de son village, la volonté de renouer avec la parole de ses ancêtres, mais pour lui donner une autre dimension, moderne et universelle. Aussi beaucoup de ses poèmes sont-ils conçus pour être accompagnés par les rythmes à l'envoutante monotonie de ces instruments cousins de la harpe et du xylophone que sont la kôra et le balafong. Si, de Chants d'ombre aux Lettres d'hivernage ( 1972 ), sa poésie aux vers généralement amples, toujours ruisselante d'images, semble parfois s'apparenter à celle de Claudel ou de Saint-John Perse, c'est que comme eux, mais par d'autres voies, Senghor a su retrouver la puissance primitive et sacrée de l'incantation. Si savant qu'il puisse paraître, le chant ici vient des profondeurs de la terre, de la nuit, du corps.

 

LE TOTEM

 

Il me faut le cacher au plus intime de mes veines

L'Ancêtre à la peau d'orage sillonnée d'éclairs et de foudre

Mon animal gardien, il me faut le cacher

Que je ne rompe le barrage des scandales.

Il est mon sang fidèle qui requiert fidélité

Protégeant mon orgueil nu contre

Moi-meme et la superbe des races heureuses...

 

Léopold Sédar Senghor

( 1906-2001 )

Poètes d'aujourd'hui / Seghers