Fragile et si proche: Robert Nédélec

Publié le 29/05/2023 à 07:23 par poeguy Tags : nuit mort enfants

   Le matin, tu trouvais à ta porte les preuves des violences de la nuit : écorces éclatées, lambeaux rougis de tissus blancs, touffes de feuilles ; et tu lavais à grande eau la terrasse et les abords souillés de ces cités de chair où la mort tient commerce. 

 

   Ensuite, tu crayonnais pour, disais-tu, confondre la grisaille qui s'était incrustée, rajoutant des ombres au tableau et faisant ressortir par contraste des coulées et des pans de lumière.

 

   Puis le jour déclinait et les yeux étaient las. Il ne te restait plus qu'à poncer, pour la vraisemblance, le rectangle de la fenêtre, au buvard, comme les enfants pour camoufler leur maladresse.

 

   Et à regarder longtemps le ciel, où les nuages maintenant avaient des formes menaçantes, et les aveugles aux capes longues, porteurs de sacs et de fusils, qui quittaient silencieusement les grandes routes des miroirs.

 

Robert Nédélec

" La page double suivi de L'encart "

éditions "L'Arrière-Pays"